Merde 04122003

ça ne va pas.

Je sors.
Première sortie,
pantalon synthetique,
electricité statique,
caleçon en coton
deux t-shits en coton.

Je prends la première à gauche
direction le pc
et on part rencontrer des « gens »
sur internet.
Oh, merde, je suis connecté.
Tous ces gens qui m’ignorent,
tous ceux qui ne veulent plus me parler
tous ceux qui n’osent plus me regarder
merde, je suis seul.

Seul.
Dans l’immensité du net,
dans l’immensité de nul part,
dans l’attente de quelque chose.
Merde, je suis seul.

Et là, dans le néant absolu
d’un abstrait qu’on appelle universel
j’attends que quelqu’un, seul ou seule
m’appelle.
ça peut durer longtemps me dis-je
et si j’appellais quelqu’un ?
Non, trop attendu. Trop facile,
trop classique. Je suis baroque ce soir
ouais, baroque.

Merde.
Je suis connecté, et rien à foutre.

« J’suis pas fait pour ça, pas pour vivre à deux.
A la limite tout seul »
-S. Gainsbourg-

Rah, je décroche le téléphone,
ça sonne bizarre,
ah ouais je suis connecté.

Déconnexion comme on dit
et hop je décroche,
je dois appeler quelqu’un.
Vite, c’est une question de vie, ou de mort.
Ou de mort.

Cinéma.
Non, c’est trop tard.
Merde, merde, merde,
je dois rencontrer des gens.
Bon, j’appelle qui ?
Une fille ?
Non, avec la gueule que j’ai ça va faire pathétique.
Ouais, même au téléphone.
Bon, un pote.
Un pote, qui me parle encore,
un pote qui s’en foute de l’heure.
Un chômeur.
Mon meilleur pote.

« Allô ? » que je lui dirai
« Ouais ?
C’est moi.
Qui ça ?
J.F.
Qui ?
Chompi.
Ah. ça va ?
Non.
Je sais.
AH.
Ouais, alors keskivapa ?
J’sais pas.
Rappelle moi dès que tu sais. Salut. »

Merde.

Ouais merde, il a raccroché.
Il va raccrocher si il sait pas ce qui ne va pas.
Merde, merde, merde.
Bon, ce qui va pas,
c’est que j’aime cette nana,
mais je veux pas l’avoir près de moi
ça me détruirait de vivre avec quelqu’un.
Ouais, c’est ça.

Non, ça fait con et romantique.
Nouveau sens du terme ?
Pas sûr.
Dictionnaire.
Non, trop loin.
Bon, ça fait con, et sentimental.
Stendhal ?
Ouais,

« la cristalisation, comme dit Stendhal »
-S. Gainsbourg-

Bon, allez, je l’appelle.
ça fait combien de temps depuis la dernière dispute
enfin la dernière bagarre.
Combien de temps depuis le dernier sang ?
Aucune idée.
Deux jours, deux semaines ?
Bon, je l’appelle.

Non, j’ai cette putain d’idée qu’il est occupé
à quelque chose.

Alors, résolvons le problème.
22h21, j’ai soif, encore.
Calcul rapide.
2 bière,
1 whisky lait entier
2 verres de vin rouge.

Bon, ça va, ça va j’arrive à réfléchir.
Alors, il me faut un bol d’air frais,
et une bière.

J’ouvre la fenêtre.
Merde, il fait un putain de froid.
Merde, merde, merde.
J’ouvre le frigo.
ça pue.
1 cassoulet ouvert dans un plat en verre, et sa garniture de moisissure.
1 boîte de filet de macreaux à la moutarde et sa moisissure.
2 morçeaux de fromage, un fromage d’abbaye et une mimolette. Même état.
ça pue.

ça pue, je sors la tête du frigo et j’ouvre la fenêtre.
J’ai froid.
Une bière.
J’ai froid.
Je ferme la fenêtre.
Bon…
récapitulons.
J’ai une bière à la main,
devant la fenêtre fermée.
Il fait un truc comme 15°C chez moi,
Gainsbourg au lecteur CD
Les yeux humides,
la gorge sèche,
l’envie de plus rien
l’estomac plein de trop peu.
Bon, ça pue même quand le frigo est fermé.
ça va pas.

Cette nana me détruit.
C’est quoi déjà le romantisme ?
Ah ouais.
Chercher dans Google :
-> Definition romantisme
-> 19eme siècle romantisme

Bon, bon, bon.
J’ai encore soif,
je fais des U.V. devant l’écran de pc
mes voisins ne peuvent pas dormir à cause de Gainsbourg, à fond.
Soit. Je les emmerde.

« Jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au bout de ma folie »
-S. Gainsbourg-

Bon, bon, bon.
La fenêtre, retour de soirée au rez-de-chausée.
Folle envie de balancer ma bière sur leurs tronches
et puis non, ça serait du gâchis.
Le cassoulet peut être…
Non, si ça devait m’arriver, je serais capable de tuer
pour me venger.
Je ne veux pas mourir sous les coups d’un mec
qui pue le cassoulet moisi.

Merde, je fatigue pas…
Pourtant c’est pas faute d’essayer.
Danser, je vois que ça.
Je danse, dans mon 20m² je danse.
Sur mon craft, sur mes dessins, sur mes fusains
sur ma peinture je danse.
Rien à faire, je tombe et me relève,
je trébuche et me rattrappe,
je saute et retombe.
Je ne dors pas.

Merde, merde, merde.
Douleur dans la poitrine,
encore.
Côté droit, un poumon peut être,
ou les côtes,
ça va, tant que c’est pas le coeur
comme la semaine dernière.

Je me calme,
je respire.
Respirer. DOucement.
Elle me tue merde.
Elle, me, tue, mer, de.

Dehors, personne
la lumière tamisée des lampadaires
les stromboscopes des voitures passant au rythme
des feux rouges
et encore un ou deux arbres mourants
suppliant à ma fenêtre de leurs branches
fines et pourries.
J’ai soif.

Ne pas essayer d’attraper les branches pourries.
J’ai essayé tout à l’heure
quand j’étais sobre,
elles sont trop loin.
Je le sais.
Ne pas ouvrir cette putain de tentatrice de fenêtre
il fait froid, dehors.
Dehors.

Sortir,
le Carré des Halles
la musique
les gens, dehors.
Sortir.
Non. Trop loin.

Réfléchissons,
maintenant.

On fait comme d’hab.
Boire,
boire,
dormir
se réveiller,
aspirine,
vitamines
huile de foie de morue
contenir les spasmes
courrir après le bus.

ça va aller.
ça va aller.
Elle me tue.
Merde, merde, merde.

Elle me tue et j’aime ça.

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