Boire 17062004

L’odeur de la levure,
la fraîcheur du verre teinté, brun
l’attirance pour la forme et l’étiquette
je sens les bulles qui explosent à la surface
du liquide-poison.
les tremblements, et l’euphorie de l’ouverture
la bouteille qui siège là, fière, victorieuse
sur le rebord de la table.
Elle n’a pas peur, elle n’a rien à craindre
maintenant qu’elle est là, à portée de main
ouverte, elle est le centre du monde
et mérite toutes les attentions

la première gorgée sera délicieuse
je le sais, je le sens,
le sang qui coule de ma narine
n’est pas un présage de la fin de soirée
je dirais que c’est le début de la perte de conscience
le début de la vie artificielle
la première gorgée, l’évasion
la seconde gorgée l’emprisonnement

il reste trois bouteilles -seulement trois –
je peux n’en boire qu’une et me dégouter
me molester à travers le miroir
je peux n’en boire que deux et apprécier une nuit calme
je peux en boire trois et courir dehors
au premier bistrot pour claquer ma semaine
dans d’autres alcools plus chers et moins savoureux
je peux.
Avant la première gorgée je peux encore dire pardon
à ceux que je trahis par l’acte de boisson.
Aux autres qui me comprennent ou qui jubilent
de me voir échouer encore et encore
merde.

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