Il était une fois une troupe de bons amis
vivant deci-delà bon gré mal gré
de la vie la plus simple et ennuyeuse qu’il ait pu être
d’amour et de petites misères parfois
mais dans une si belle harmonie
qu’aucun d’entre eux ne se rendait compte
de l’ennui qui les environnait.
Pourtant un jour qu’il faisait fort chaud
et que la petite troupe s’était installée
dans un square ombragé pour s’y reposer un temps
l’un d’entre eux émit une idée nouvelle :
« mes amis, nous sommes là, ensemble réunis
par je ne sais quel sort, et nous sommes si différents
alors que nous nous entendons si bien
nous ne posons de problèmes à personne
et ne sommes pas le moins du monde
jaloux de nos affinités respectives
alors pourquoi donc ai-je cette impression
d’un ennui mortel au plus haut point ? »
La troupe resta en silence, perplexe.
Le penseur se dressant sur ses deux pieds
dit alors : « si c’est ainsi, et que je pense
pas que cela m’est bon, alors il me faut trouver
une faon de vivre qui me corresponde plus
et qui me permettent de jouir pleinement
d’un bonheur à la fois individuel et collectif. »
La troupe le prit pour fou un moment
et considéra qu’il reviendrait bientôt
avec la sagesse de s’excuser d’avoir pensé
si loin des idées si incompréhensibles.
Les mois passèrent et le temps peu à peu
se corrompait dans un mélange de gris-noir et de bleu-nuit
il était venu le temps des orages et de la nuit.
Et depuis ces mois passés, la troupe n’avait plus revu le penseur.
Il s’était ,disait-on, enfermé dans la haute tour de verre et d’acier
qu’était son logis pour y faire le point sur son existence
ne mangeant plus que pour respirer et réfléchir
ne buvant plus que pour se désaltérer
ne regardant plus que le miroir
n’écoutant plus que son coeur
ne sentant plus que l’air sur son corps nu.
La troupe s’inquiètait et ne comprenait pas.
Un jour qu’il pleuvait fort
l’ami le plus proche du penseur vint pleurer
en bas de la tour de verre et d’acier :
« camarade, réponds-moi, dis-moi que tout va bien
que tu ne nous hais pas de ne pas t’avoir compris
explique-moi, que je puisse te venir en aide ! »
L’unique fenêtre du logis aérien s’ouvrit alors
laissant apparaître le visage creusé et échevelé du penseur
malgré tout semblant souriant de l’heureuse visite
il lui répondit alors en ces quelques mots à peine nuancés :
« mon frère, comme moi maintenant tu doutes,
écoute donc tout ce silence autour de nous
ce bruyant silence de pluie d’orage
ne la trouves-tu pas belle ?
-Je ne sais pas, répondit l’ami
-J’ai besoin d’être seul un moment encore
je ne sais pas bien ce qu’il y a à chercher
ni ce que je puis y trouver, mais là où je m’en vais
doucement, paisiblement, c’est le lieu d’une réponse vraie
d’une vérité. Alors fais-moi encore un peu confiance
ou enfuis-toi maintenant.
Quand tu entendras de cette fenêtre
une mélodie que j’aimais à entendre autrefois
tu sauras que je vais mieux. »
Et l’ami s’enfuit.
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