J’espèrais au moins de toi un peu plus de courage
tu vois, que tu me le dises en face par exemple.

Lola est une fille bien, mais « il ne faut pas la
faire chier » comme dit son amie Sandrine. Depuis
trois ans qu’elle connait Ellian, elle s’est
beaucoup ennuyée, a pris un peu de plaisir au début
et a pleuré beaucoup quand l’amour de sa vie
a commencé à la tromper avec son ordinateur.

Genre ?

Ellian est intelligent, mais con. Il le sait.
Brillant dans son travail, brillant dans ses études,
brillant au lit à l’époque où il dormait encore avec
Lola, il se rend bien compte que sa vie part en vrille
mais perdu dans son univers cybernétique, Ellian
jouit du savoir universel plus que de la présence
familière de sa chérie. Son meilleur ami, Luc,
lui rappelle régulièrement combien il est con de ne
plus avoir d’yeux que pour son pc. Surtout que Luc
aime beaucoup Lola.

Ellian est blasé de la vie. Il sait qu’il n’aime plus
Lola, il sait que quelque soit la façon de lui annoncer
il se passera toujours un moment de tension où Lola
se mettra à hurler, à insulter la planète entière,
à répéter des dizaines de fois « t’es vraiment qu’un
pauvre con Ellian ».
Il sait aussi que son rythme de vie actuelle le plonge
de façon irrémédiable dans une profonde déprime,
dans une létargie qu’on pourrait sans doute expliquer
par le fait qu’il n’a plus qu’à savoir user de ses
dix doigts sur un clavier en plastique blanc pour obtenir
tout ce qu’il désire en terme de connaissances sur des
sujets dont il ne présumait même pas l’existence.

Lola aime sortir, voir des gens, partager un peu plus
que des idées. Lola a besoin de sentir la chaleur
humaine et pas seulement dans son lit. D’ailleurs,
Lola n’aime pas passer plus de temps dans son lit que
ce qu’il faut pour son sommeil. Son amie Corinne
dit qu’elle devrait parfois se débrancher de la prise
à 220volts, parcequ’elle devient saoulante. Mais Lola
n’y peut rien, elle aime vivre, et elle emmerde ceux
que ça dérange.

Fatalement,
ni Lola,
ni Corinne,
ni, Sandrine,
ni Luc d’ailleurs,
n’ont songé un instant
que Ellian pouvait être juste fatigué
de toute l’humanité infréquentable dans laquelle
il baigne depuis sa petite enfance. Pauvre Ellian.