J’ai eu ce rêve
étrange idée n’est ce pas
pourtant l’envie qui me démange
les mains s’arrachent quelques cheveux
longs et blonds, sur une tête difforme
bienvenue en moi.
—
Ville inconnue
le ciel est beau, il y fait frais
mais pas froid
l’alcool y est servi, un peu moins cher qu’ailleurs
un endroit où les habitués se reconnaissent
les autres évitent, moi je m’y retrouve
même jeune premier, et nouvellement venu
il y a sur la place de la cathédrale
en face, de ces jeunes buveurs de sang
qui, ameutés de nuit, se parlent sans déranger
jouent des poings, serrés souriants
séduisent ou terrorisent, je les regarde
de ces yeux déjà livides de l’homme ivre
je ne pleure pas, pas encore.
Le bistrot n’ose pas fermer
il se focalise sur ma pensée
un homme mûr me paye un dernier verre
m’appelle mademoiselle, m’invite à dîner
je suis pourtant absent
je dis oui, par politesse
cependant que mes yeux restent rivés sur elle.
La tête évadée
j’accepte les outrages de la vieillesse
les déceptions de la distance
tu ne m’as pas vu, voyeur anonyme
dans un bistrot crasseux
et cet homme déçu
qui de ses attouchements fini par atteindre ma virilité
dans un geste de recul s’excuse, s’écarte
et le bistrot, outragé se referme
sur moi, mis à nu, dehors
sous les yeux des buveurs de sang
je ne suis pas encore honteux
en réalité, qui sait réellement ce que je fais là
quelles sont mes intentions ?
Je la regarde encore
maintenant qu’elle me voit
l’air con, cassé, meurtri
c’est une dague que j’offre pour qu’on me la rende
encore plus profondément ancrée dans les chairs
je t’observe toi, les autres
je veux tout savoir, mais finalement ne me rends plus compte de rien.
Le savant silence s’affaire à me détruire
me miner de l’intérieur
je pense à demain, au retour
au travail, à l’argent
celui que j’ai dépensé
la fatigue qui m’entame
dormirai-je dans la rue ce soir ?
encore
ou oserai-je demander l’asile ?
Tremblant, au bord de l’évanouissement
d’autres rient, se moquent
je les défie du regard
eux, d’une absence autre que la mienne
laissent la moquerie envahir leur pensée
moi, silencieux, je mords mes lèvres
serre le poing, défonce mes frontières
et je me demande quand arrive le prochain train.
Se faut-il qu’une dernière claque m’achève
se faut-il que je vive, dans l’humiliation
programmée, choisie, délibérée.
Je baisse la tête
je ferme les yeux
j’avale la boule dans mes entrailles
je me réveille sans sommeil
je ne pleure pas, la vie est belle
ciel bleu, matin clair suivant la nuit noire
paisible existence, loin de vous
loin des buveurs de sang, je ronge mes artères
je dévale la pente, douce,
mais je perdure dans la pensée
je suis moi-même, et rien en mes dires n’est altéré
par de préformatés désirs.
Mon existence reste révoltée
décalée, dérangeante
je bois, je dors
je survis
l’idéale condition
je ne suis pas une ressource de cette société.
Laisser un commentaire