ma seule protection sur la voie rapide
une 106 rouge en détresse, et une conductrice affolée.Je regarde dans le vague, plié en deux
bien ancré dans le sol, appuyé sur mes jambes, solides.
Je regarde le traffic autoroutier, les gens dans les voitures
qui me regardent effrayés ou ravis par le spectacle
les yeux écarquillés, la bouche ouverte
le bruit étouffe leurs savants commentaires sur la situation.
La situation ?
Appuyé sur mes fidèles solides jambes poilues
enveloppées dans un jean moulant déguelasse
je pousse un râle et un juron avant de tapisser d’ocre jaune
les rares mauvaises herbes de la chaussée
il y a du sang aussi, qui coule doucement le long de mon menton
à moins que ce ne soit du vin.
La chemise largement échancrée laisse entrevoir un t-shirt gris-blanc
transpercé à différents endroits, principalement au col
et quelques mots imprimés « allez la france avec citizen ».
Je me redresse lentement, arrachant aux passagers des automobiles
leur spectacle grinçant, je remonte en caisse, la voiture démarre.
ça commence comme un petit jeu entre amis
avec dix litres de vin, autant de bière et du champagne
ça commence comme un repas de retrouvailles
avec dix camarades, des couples et des célibataires aigris
et puis ça devient un jeu sérieux
un combat, un défi devant l’éternel.
Et moi, j’aime ça, les défis.
A boire !
Bière, bière, bière, vin, vin vin vin vin vin. Je peux boire ton verre ? Ok je t’accompagne. Fais péter la bouteille on a pas bien senti le goût, laisse tomber tu sens plus rien, si si je pue l’alcool et la clope ha ha ha ha, fais péter la vinasse, fais péter le champagne, on va tester les MELANGES, qui m’accompagne, ouais, pas capable de boire cul sec, ah ouais ? regarde ça ! et ça ! hé mais c’était mon verre ! et ça ! prends pas mon verre connard, et ça ! et ça ! il s’est sifflé tous les verres de la table ! le dingue ! je te rattaque ! au vin rouge ! ha ha ha, je suis bien plus fort que toi, mais tu bois comme une fillette mon grand, tu sais comment on me surnomme en FRANCE ? Sac à vin ! Ouais, sac à vin, ha ha ha ha, et bien moi en Mongolie mon nom signifie la montagne ! Tu connais l’histoire du chêne et du roseau mon grand ? Sers moi deux autres verres d’avance, ça va aller comme ça, je plie mais ne rompts pas ! Ah, oui je connaissais, mais chez nous les roseaux on les coupe pour faire des objets, dans la tradition, ah ouais ? bah moi je te conseille de couper ton vin à l’eau parceque tu vas devoir faire du chemin pour me rattraper ! Ha ha ha, les français sont prétencieux, ouais ! t’as raison, santé ! santé, santé, santé, santé, santé, santé, santé, santé !!!
Je vais vous faire du thé.
Tu t’appelles comment déjà ? Beagoud ? Beer is good ? Very Good ? Ha ha ha !
Ah, tu tiens la forme on dirait, je vais te servir un dernier verre de vin, pour finir la bouteille si tu veux.
Chiche. Chiche. Vin, vin, vin, vin, vin, thé thé thé thé thé thé thé thé thé riz riz riz riz.
Bon bah c’est pas tout ça mais on va se rentrer.
Monsieur l’artiste-peintre, monsieur le champion de tourcoing, monsieur le peintre mongole, madame et monsieur et fornicoteurs, tu vas savoir rentrer chez toi ? Bah… si je trébuche pas tous les cinq mètres oui. Je vais te raccompagner, je serai moins angoissée. Ah ? C’est gentil. Attention à toi D. ce type est un détraqué, c’est le « champion de Tourcoing ». Je sais me défendre. ça tombe bien je sais pas me battre. A tout de suite. Adieu tout le monde merci pour la soirée, et le petit déjeuner et le déjeuner.
D. tu peux t’arrêter là.
Sur la voie rapide ?
Tu veux que je dégueulasse ta caisse ?
Ok.. essaie de faire vite.
ça devrait pas trop tarder…
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