Un très long rire d’agonie

( A Sadnessy.)

Ils m’attendent en bas.
Je saigne du bras droit.
Cela fait trois fois qu’il appelle à l’interphone.
Ce type ne sait pas ce qu’il veut.
Ou alors, il le sait trop bien.

Un coup d’oeil par la fenêtre.
Les cendres de la clope planent jusqu’à la carosserie de sa caisse.
Hum.. belle caisse.
Il me regarde d’en bas.
Il me regarde de haut, je croise son regard.
Lui, il veut en finir.

Un coup d’oeil à la voiture.
Elle le regarde, lui.
Elle est inquiète, ou pressée d’en finir, aussi.

Une goutte de sang vient percuter le sol.
Oups, pardon le sol.
Toi, au moins, pour l’instant tu n’es pas impliqué.
Mais ça ne saurait tarder, n’est-ce pas ?

S. écrit :
salut, huître.

SH écrit :
tu veilles ?

S. écrit :
bof
je parle avec mon copain
on parle de baise
mais je fatigue un peu il est tard

SH écrit :
ce sont des choses qui se font
la baise c’est pas votre truc ?

S. écrit :
non
pas dans le terme ‘baise’

SH écrit :
hum.. enfoirés de romantiques

S. écrit :
oué c’est une petite fleur bleue mon mini homme

SH écrit :
c’est précieux

S. écrit :
voui
il veut même plus dire le mot ‘baiser’

SH écrit :
hum.. il est précieux

S. écrit :
ça l’a traumatisé
précieux dans quel sens ?

SH écrit :
dans le sens que tu entends

S. écrit :
rare

SH écrit :
si tu veux

S. écrit :
ou bien prout prout ma chère ?

SH écrit :
c’est à toi d’en décider

S. écrit :
mh
je m’en fiche j’aimerais savoir ce que toi tu entends

SH écrit :
moi, j’entends la sirène de police qui s’amène

S. écrit :
ah bon

SH écrit :
qu’est-ce que la baise, sinon le propre de l’Homme à l’état animal

S. écrit :
moué
faut croire que le mien est plutôt végétal
d’où la fleur bleue

SH écrit :
hum.. c’est assez juste
l’amour, c’est le nom qu’il donne à la baise ?

S. écrit :
non
parce que c’est pas la même chose

« SH écrit :
Alors comment appelle t-il cela ?

S. écrit :
il l’appelle pas
pour lui ça existe pas

SH écrit :
Hum.. il essaie de rester une petite fleur bleue, fragile et délicate alors.
Mais son engrais, celui qui le fait rayonner, il vient bien de là, pourtant.

S. écrit :
non il vient de moi

SH écrit :
C’est la même chose. »

J’enfile des jeans.
Je prends mes clefs, je finis la bouteille, la clope.
En descendant l’escalier, je vérifie mon paquetage.
Tout y est.

Au rez-de-chaussée, la porte vitrée de l’entrée me sépare du visage
de cet individu. Bel homme, l’oeil vif, trop vif pour l’heure.
Ils ont pris de l’avance sur moi, sans doute.
Je ne suis pas en retard, de toute façon.
Nous ne pratiquons pas les mêmes substances.

« Lui – Kestu foutais ?
SH – Je finissais ma besogne.
Et je préparais mes affaires.
Lui – Et tu es prêt ?
SH – Bien sûr, oui.
Lui – En voiture. Elle s’appelle Alice.
SH – Bonsoir Alice. Ton ami s’appelle comment ?
Elle – Peu importe. Mets ta main, là.Tu as bu ?
Lui – Oui, il a bu.

Comme prévu dans le contrat, je ne pose pas de question.
La voiture nous transporte, je transporte Alice. Où allons-nous ?

Je n’en sais rien. L’adresse m’est inconnue.
Lui – Ne pose plus de question.

Alice s’est envolée, déjà. Nous venons à peine d’arriver.
Belle demeure, un particulier.
Un riche particulier à qui nous allons offrir son plus beau spectacle.

Lui – Habille-toi Alice, nous sommes arrivés.
Elle – Une seconde, j’ai paumé ma bague.
Lui – Grouille-toi.
Les autres sont sûrement déjà arrivés.

SH – Et question sécurité ?
Lui – Toi, ta gueule.

Intérieur très tendance.
La musique est assourdissante mais accompagne à merveille la scène.
A l’entrée, continue de veiller un garde au visage marqué par l’érosion du temps.

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