En suivant une petite punkette à la sortie du métro
je pouvais lire sur son sac à dos à la mode « no future »
elle s’enfonçait tendrement dans les galeries marchandes
j’avais mieux à faire, du côté d’un vieux zinc des halles
une histoire entre l’avenir et ma soif.
Son « no future » au blanco sur tissu acrylique noir me taraudait.
Il m’a bien fallu cinq jupi’ pour trouver une issue à ma réflexion.
La fuite. La fuite en avant, vers demain matin
la gueule enfarinée, l’oeil de verre, brillant, livide.
Pourquoi l’avenir est-il si aride ?
« no future » ça sonne creux
du futur, je vais t’en donner
des études, financées par tes parents
et même l’état tiens, pourquoi pas
de la réussite, quelques aventures annexes
de la dérive, c’est normal, on passe tous par là
des chagrins, des déceptions, soyons courtois
ça forge les esprits.
Et après ? ton « no future » il sonne faux
déjà tu as perdu tes idéaux de vie associale
tu as déjà perdu ta dignité de guerrière en marge
tu es devenue comme prévu une quidam. Personne.
Tout le monde. Et tant mieux pour toi.
—
« No future »
Je m’écroulais d’avoir trop vu, trop bu. A peine vingt-deux heures
le coude qui veut plus s’accrocher au comptoir, le barman qui me regarde de travers
la barbe qui pousse, la paupière qui se ferme, le porte-feuille qui se vide
le ventre creux aussi, c’est un sport : la décadence.
Je m’apprêtais à sortir prendre l’air
en général le trajet entre ce zinc et mon sweet trash
me permet de retrouver mes clefs et de dessaouler
juste assez pour enlever deux trois vêtements
avant de m’évanouir sur le matelas.
Un type s’approche, la quarantaine, abimé par la vie
– Hey mec, tu te souviens de moi ?
– Hein ?
– Tu vois qui je suis ? ça va bien ?
– ça va ouais.
– Allez c’est pour moi.
Tu veux parler temps-qui-fait, on va parler temps-qui-fait
tu veux parler politique, on va se fâcher
Les heures s’écoulent, ma cervelle aussi, dans mes intestins
je sors sans savoir qui je suis. Aurais-je changé de peau ?
Tant pis, je ramène un inconnu à l’appartement.
Pas le temps de trouver mes clefs, j’ai dû les oublier.
Un banc fera l’affaire.
Et demain ? Mais demain, ça n’existe pas.
No future.
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