Une histoire de dignité 23112006

J’ai foutu du sang partout.
Tragique pied de lit.
Et ce bord de table en formica.

En l’absence de tout moyen de communication
j’ai préféré m’évanouir. La tête sous le lit.
Il faisait noir, j’étais gris ou noir aussi.

Dans la main droite, celle qu’une cicatrice
coupe en deux sur la longueur
un petit papier plié en quatre et un prénom.

La cigarette s’est éteinte sur le lino
et entre le pouce et l’index de la main gauche.
A quelques millimètres de ma bouche
les cendres se sont éparpillées.

C’est le claquement insupportable
de la porte de l’appartement de la voisine
qui m’a sorti de cette paisible torpeur
pour me plonger dans une misérable réalité.

Il est quatorze heures zéro-six.
Mon crâne est un défilé de fanfare municipale
un onze novembre, sous la neige.

J’ai froid, mes jeans sont restés avec la veste
sur le seuil de la porte d’entrée.
Mon visage est collé au lino par la salive et le sang.

La peau sur les articulations de mes doigts
est abimée, mon pied gauche ne saigne plus.
Il devient impératif que je me vidange.

Sur le lit, je l’entends tourner les pages d’un magazine
peut-être bien Art Press, en faisant grincer les ressorts.
Mon état ne doit pas être si grave. Certainement.

Je souris en relisant son prénom sur le petit papier
avant que de mon entrejambe lentement s’écoulent
les derniers vestiges brûlants de ma dignité.

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