Etat des lieux / Projet 25112009

Les éboulis d’une vie remplie à poing levé.
Santé, curé.

Déjà dans une heure ou deux, j’irai me coucher sagement.
Sagement en me disant qu’après tout, c’est important d’être en forme.
Il faut être performant, quand on travaille toute la journée.
Mes petites barres vitaminées, ma petite bouteille d’eau,
dans ma petite sacoche, avec mon petit ordinateur, mes petits dossiers
dans ma petite auto, et mes petits cachets pour le mal de tête.
Il ne faut rien oublier. Il ne faut pas avoir la tête ailleurs.

Il ne faut pas trop réfléchir. Sinon le soir, on s’égare après le boulot
on s’en paye un petit, et puis un autre, un verre de trop
dont on se souvient au petit matin quand on se lève, tôt.
Trop tôt pour ne pas arriver trop tard. Être en retard, interdit.
Et rentrer tard devient une habitude douteuse. Délicieux syndrome de Stockholm.

A force de labeur, l’intelligence devient utile, servile, docile.
Ce n’est pas moi qui ait tort, puisqu’il faut travailler, c’est le travail qui compte.
Il faut bien qu’une moitié de la population travaille pour que l’autre la regarde.

Il reste toujours une moitié de la population pour emmerder l’autre.
N’est ce pas ?

A force de labeur, l’esprit critique se fait justicier masqué aux traits insipides de la frustration.
Se lever tôt. Plus tôt que ceux qui ne travaillent pas.
Se coucher tôt, plus tôt que ceux qui ne travaillent pas.
Et se relever, et se recoucher, recommencer. Et ceux qui ne travaillent pas ?
Je travaille pour eux ; je veux dire : je suis dans le social vous savez ?
Je travaille pour le bien de ceux qui ne travaillent pas.
C’est mon métier, enfin on me l’a appris.
C’est un métier, vous savez, d’accompagner des personnes sans métier.
C’est un métier aussi de ne pas avoir de métier.

Il faut se lever aussi, mais plus tard.
Faire la queue – oh ça, oui souvent – il faut faire la queue
les travailleurs, ils sont déjà dans les bouchons à ce moment là.
Et puis il faut savoir écrire et remplir des papiers, des tas de formulaires administratifs
pour demander à … de s’occuper de … et éventuellement de toucher un peu d’argent
mais c’est quand même normal, ça, mon bon monsieur, de toucher un peu d’argent de l’état
parce que l’état, il avait qu’à me trouver un travail. Sans quoi, moi, j’aurais un métier.
Notre état paye pour nous.
Nos travailleurs payent pour nous.

La classe moyenne, la classe médiocre.
Qui aurait mieux faire de fermer sa gueule et de payer jusqu’à la retraite pour ne pas en avoir justement.
Une retraite.
La classe moyenne qui essaie de pas trop s’endetter et de devenir propriétaire
pendant que ceux qui ne travaillent pas les traitent de bourgeois
pendant que ceux qui donnent du travail s’enrichissent un peu plus.

Quand tu travailles, tu as le droit de ne pas trop la ramener.
Tu as le droit de gagner à peu près autant qu’un non-travailleur
sans être sûr que ça dure plus longtemps.
Tu as le droit à des congés pour faire semblant de ne pas travailler.
Tu as la reconnaissance familiale, sauf quand tu es de la 3e génération de chômeurs.
Tu as le mérite d’être humilié chaque matin par la sonnerie du réveil, qui ne sonne que pour toi, et qui ne s’arrête de gueuler que quand tu t’appliques à consciencieusement l’éteindre pour mieux le rallumer plus tard. Tu as la chance parfois même de te lever pendant que quelqu’un dans le même lit aura le loisir de se plaindre du bruit, de la lumière, de ta présence en somme, parasitant son sommeil tranquille de non-travailleur.
Et tu as le droit de surtout fermer ta gueule. Parce que t’avais qu’à pas travailler comme les autres.

Je me souviens.
Ne pas travailler. Jamais.
Je voulais pas travailler. Pas comme ça.
Rester libre. Bouger, sortir, profiter. La vie quoi. La vie.
Je me souviens.
Je ne regrette rien.
Je travaille, je ne voyais pas ça comme ça… c’est vrai.
Encaisser, supporter, endurer, baisser la tête, la relever.
Sur la fiche de paie, chaque mois, le détail de ce que je donne de mon temps et de mon salaire aux autres.
A ceux qui ne travaillent pas.
Passer de l’autre côté du miroir.
Je suis un sale con.
Je ne respecte pas mon droit à fermer ma gueule.
J’avais qu’à ne pas travailler.

2 réponses à “Etat des lieux / Projet 25112009”

  1. Avatar de ctk

    Faut bien s’occuper mon bon huître, il le faut bien.

  2. Avatar de ctk

    Et le comité d’ajouter ces mots, directement issus du fin fond de son for intérieur : ne jamais de son esprit écarter la nuisance perfide de la facilité.
    Vive la liberté libérée.

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