La guerre, vous savez

Je sus l’inconstance du présent à venir
un summum en sursis, une saucisse Herta
Je suis l’abomination du quotidien
le non-dit, le refus de dire pour ne pas tromper
Je suis l’absence d’innocence masquée par le paraître
je suis le non-être, le néant, l’abject.

Construire une aventure et lui survivre me semble impossible
je sirote un Picon-bière bien tassé dans un bistrot miteux de l’Aisne
il est bientôt treize heures, ça va fermer, j’ai mauvaise haleine
c’est un poème faible et sans charme – des banalités.

Je rentre à la maison, ce n’est pas chez moi.
Je vis dans un alcôve de lieux annexes et connexes
dont je ne suis ni réellement responsable ni tout à fait désintéressé
ma vie est un réseau complexe de tissus sociaux et familiaux imbriqués
il m’arrive de vouloir mourir, ce sont ces filets de relations humaines qui me retiennent.
Il faut survivre.

Je pense comprendre une chose aujourd’hui.
Les études culturelles sont liées à l’étude d’expériences multiples
de vies compliquées regroupées par critères dont la seule subjectivité
des intellectuels rend viable la catégorisation.
Et comme un con, je fus moi aussi un des leurs.
Un intellectuel.

Je fus un intellectuel décadent, décevant surtout
perplexe, insatiable, surpris plus que surprenant
j’ai toujours du mal à percuter
surtout l’humour fin des beaux parleurs.
Mon concept est certainement en train de voguer dans les égouts
suite à cette terrible chute un soir de septembre,
tandis que mon concept draguait le fond de ma pensée
sans gène aucune et qu’un sentiment profond de désarroi
est venu s’interposer à la façon d’une mouche dans le beaujolais.

L’envie de crever.
Crever c’est aussi se planter, l’envie de se planter.
Rater, échouer une bonne fois pour toutes, jusqu’à la prochaine
c’est aussi ça le rêve. Le cauchemar, se planter.
Rater sa vie, le mythe de l’artiste maudit. La désuétude, le sens commun.
Abondance de préceptes, inondation d’affection
les gens m’aiment mais pour quoi et qu’ai-je fait de si irréel
pour qu’on me supporte à ce point ?

L’envie de ne pas être ce que je suis payé pour être.
Subsister consiste en un ensemble de pouvoirs et de devoirs
liés à des codes dont les conventions collectives et les contrats de travail
font parti. Faire parti est aussi une forme de subsistance.
Appartenir à un groupe, à une entreprise, à une multinationale
en vanter les mérites, s’éventer la frite.
Abandonner.

Je recherche encore une raison valable pour constituer en mon âme et conscience
un cheminement tangible de réflexion sur l’être, le devoir et l’avoir.
Mon dû est une contribution à la souffrance quotidienne de chacun
je crois
mon dû est une mémoire intime de moments impossibles à partager
constitués d’émotions radicales et intenses liées à des actes forts et assumés.
mon été date déjà de quelques années. Il faisait chaud, et j’étais jeune
j’en ai soupé, et je me réjouis d’en garder ces images
ces sons, ces odeurs, et ce rire. Tout cela appartient au passé.

Ma vie s’est finie, ma vie va commencer.

— Pendant ce temps, des individus comme toi, comme moi, dorment dehors. C’est dégueulasse. C’est comme ça. —

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