Si je devais vous expliquer mon travail une fois encore
je crois que la meilleure façon serait de vous parler de jardinage.
Lorsque l’on s’occupe de personnes, que l’on doit s’assurer qu’elles
n’ont besoin de rien durant leur séjour chez vous
– « chez vous » ou chez celui pour qui vous travaillez
cela n’a rien de très personnel, il s’agit d’une attitude professionnelle
une conscience professionnelle. « Le travail bien fait »… Peu importe. –
Les plantes sont comme les personnes
certaines plantes ont besoin de beaucoup d’attention et de soins
il faut les écouter, les comprendre, leur parler.
D’autres plantes poussent sans même qu’on ait à les soigner
et alors ce sont généralement les plus résistantes, les plus utiles.
Certaines plantes sont des mauvaises herbes parfois.
Alors il faut avoir le courage de les arracher. Couper.
Les personnes sont comme les plantes.
Certaines sont fragiles, elles sont exigeantes et souvent perdues.
Alors il faut vraiment croire en ce que l’on fait pour ne pas abandonner.
Si ces personnes en valent la peine
– c’est très subjectif bien sûr. On peut se tromper, prendre une mauvaise herbe
pour une plante médicinale et c’est très décevant quand elle finit par
vous empoisonner, vous ou n’importe qui d’autre. C’est très décevant.
C’est difficile à supporter de se tromper, de commettre une erreur. –
Si ces personnes en valent la peine, alors après des semaines,
des mois, peut-être que vous allez connaître la joie. La fierté.
Le travail bien fait. Quand la plante se présentera en public,
et recevra les acclamations, vous les sentirez, les vibrations.
Le plaisir. Le plaisir du travail bien fait.
Le reste n’aura plus aucune importance.
—
Mon travail aujourd’hui ?
Mon travail n’a plus rien à voir avec les personnes.
En fait, si. Différemment. Je veux dire que je n’ai plus à faire aux même personnes.
En fait, les plantes pour lesquelles je travaille aujourd’hui sont plutôt.. des mouettes.
Des mouettes dans le goudron comme après une marée noire.
AUjourd’hui je nettoire les plages, d’une certaine façon.
Mon travail aujourd’hui est de rénover des maisons pour y reloger des personnes
qui n’ont généralement pas eu la chance de devenir des plantes médicinales ou des roses
ni même des mauvaises herbes. La tondeuse, le désherbant, ou que sais-je est passé par là
et puis… et puis voilà. Ces personnes n’ont plus de terre où pousser.
—
Si un jour je dois reprendre ce travail, je viendrai avec un manuel de jardinier.
Je viendrai avec des outils. Je me documenterai davantage pour moins me tromper.
Pour moins me piquer et souffrir.
Si je devais recommencer, ce serait avec les outils pour déraciner
pour replanter, arroser et éventuellement couper. Couper avant de m’attacher.
Toutes ces plantes qui passent par ce jardin, toutes ces personnes en ces lieux
ce fut si difficile de les voir partir une à une.
Ce fut si difficile de les voir revenir épanouïes ou abimées AILLEURS.
Si je devais vous expliquer mon travail,
vous ne pourriez pas tout à fait comprendre
si vous n’êtes pas tout à fait un jardinier.
Laisser un commentaire