Fête des pères

Je m’occupais sur le parking du Chronodrive en relisant le ticket de caisse que venait de me cracher une borne électronique lorsqu’une jeune femme, surgissant de nulle part me proposa du jus d’orange dans un gobelet en plastique transparent sur un plateau. J’ai tressailli. Elle aussi, du coup, je crois. Et puis j’ai dit merci.

Ensuite le caissier est arrivé et pendant qu’il fourrait le coffre de la voiture de toutes mes courses, je lui ai demandé : « vous reprenez les tickets ? ».
Il m’a dit « pardon ? ». J’ai dit « les sacs en plastique ». Il a pointé du doigt une grosse boîte en carton à côté de moi sur laquelle était écrit « nous récupérons vos sacs en plastique ». J’y suis allé pour déposer les miens. J’en ai profité pour regarder dans la boîte l’état des autres sacs. En comparaison, je trouvais mes sacs en plastique nettement plus aérés et graciles. Les sacs dans cette grosse boîte en carton étaient fripés, tassés, inertes. Les miens étaient sensibles aux courants d’air. Tant pis.

Quand je suis revenu au coffre de la voiture, il était encore là à enfoncer des tas de trucs dans le coffre de ma voiture. J’ai pris un sac dans son caddie – peut-être le moins rempli – et je l’ai mis dans le coffre. Là, il a levé la tête et il m’a dit : « vous avez des enfants ? ». J’ai dit « Non… », de cette manière que les gens ont à dire « Non merci », avec un mélange de complaisance, de lassitude et d’empathie. Non, merci. Pas d’enfant. Il m’a dit « ok ». Il voulait me souhaiter une bonne fête des pères. Je voulais qu’il me souhaite une bonne fête des pères. Je l’ai regardé fixement quelques secondes pendant qu’il finissait de remplir mon coffre d’alcools forts et de fruits frais. J’attendais qu’il me dise quelque chose comme « ça viendra ! », « ne vous inquiétez pas, tout le monde finit par avoir des enfants », un mensonge idiot de ce genre ou juste une anecdote sur sa condition de père. « Vous savez, ce matin, mon fils Romuald m’a fait une surprise : il m’a offert un dessin sur lequel il nous représente, lui et moi en train de jouer au foot ! »

Je suis remonté dans la voiture. J’ai assis la boîte de six oeufs frais élevés en plein air sur le siège passager et j’ai mis la ceinture. Le lecteur CD faisait cracher aux enceintes dans les portières tout ce qu’elles avaient dans les graves au son de De Antwoord.

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