En raison d’un changement de situation professionnelle récent et volontaire, c’est assez naturellement que je suis de retour au Performing Arts Forum pour reprendre quelques travaux d’écriture en cours et développer de nouvelles stratégies en vue de ma reconversion.
Le temps clément de cet après-midi printanier m’a permis de siroter dans le jardin une limonade maison de ma fabrication (citron, gingembre) en ouvrant un cycle de lectures concocté pour cette session. Fier de ma bibliothèque de campagne, j’entame donc une relecture de Avec les damnés, recueil chronologique d’une sélection de textes autobiographiques de Charles Bukowski.
Mon affection pour cet auteur est arrivée assez tôt dans mon apprentissage de la poésie moderne. Je me souviens que j’étais à la fac, je collectionnais les recueils de poésie des surréalistes vendus d’occasion tous les jeudis à l’entrée du forum. Mon coeur penchait plutôt pour Desnos et Eluard. J’écoutais aussi beaucoup de chanson française avec en fer de lance les Têtes Raides – qui ne manquaient d’ailleurs jamais de rendre hommage à chaque album à un poète de la période sus-nommée. Et puis il y eut la découverte de Miossec, qu’on dit alors le chef de file d’une tribu d’artistes qualifiés maladroitement de « nouvelle chanson française » ou quelque chose comme ça. Un grand fourre-tout dans lequel également apparaissait le premier album de Vincent Delerm. Voilà, vous me voyez venir, j’ai entendu pour la première fois le nom de l’auteur de Pulp, Journal d’un vieux dégueulasse ou encore Women dans la chanson de Delerm Catégorie Bukowski tirée de son premier album éponyme.
Toutes ces digressions pour en arriver finalement à l’un de mes auteurs favoris. Bukowski est un ours. C’est un écrivain qui sait de quoi il parle ou alors il fait sacrément bien semblant. Il me transporte dans chacun de ses textes avec la même énergie, une énergie brutale, sanglante et incontrôlable. Il a traversé le vingtième siècle en titubant par trop bourré et les poings fermés pour affronter l’existence dans ses méandres.
D’expérience, cela ne suffit pas pour être un grand auteur (picoler et râler…), sinon je connais une ribambelle de piliers de comptoir qui ignorent leur âme de poète. Il faut avoir du style et surtout savoir regarder son environnement et en tirer parti. C’est ce que fait Bukowski en maniaque. Chaque histoire est inscrite dans un espace-temps clairement identifié. Il ouvre une case de sa mémoire, ouvre la braguette de son auto-censure et il laisse pisser le tout sans retenue.
Alors oui, c’est une évidence : Bukowski est ordurier, radical (on l’a qualifié de raciste – je pense qu’il faut prendre les écrits dans leur contexte historique quels qu’ils soient) et il ne manque jamais de nous faire sourciller lorsqu’on en arrive au traitement tout particulier qu’il réserve à son amour inconditionnel pour les belles femmes, la picole et les courses de chevaux.
Il paraît qu’il existe encore des gens qui ignorent que Bukowski est passé chez Pivot, dans l’émission Apostrophes en 1972. Je n’étais pas né, cependant son passage a tellement marqué les esprits qu’on ne peut qu’associer cette performance de l’artiste à son empreinte en France. Vous trouverez ci-dessous la vidéo trouvée sur Youtube.
Bukowski chez Bernard Pivot
La légende dira qu’il a souillé le tapis de M. Pivot durant l’émission. Trop de champagne sans doute…
A demain pour de nouvelles aventures !
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