Après une partie de pétanque endiablée, hier après-midi, vint l’heure des premiers échanges avec la petite vingtaine de résidents actuellement installés. Du reste j’ai eu le plaisir de saluer quelques visages familiers mais restons concentré : on a du boulot sur la planche. Alors pas d’excès, et de l’exercice physique ! Dans le flot des personnes présentes, j’ai tout de même réussi à capter l’attention d’un auteur néerlandais qui bosse actuellement sur un roman documentaire sur un groupe de rock des années 70. Cela me permet de revenir sur quelques fondamentaux du fonctionnement de PAF.
Parmi les nombreuses rencontres qu’on peut faire dans une résidence d’artistes, il y en a une majorité qui ne mène pas à grand chose. Tout commence par cette forme d’exaltation propre au fait de s’installer pour une période donnée dans un cadre calme propice au travail mental et physique avec d’autres individus qui partagent la même envie. De cette exaltation émane une aptitude au contact et à la discussion entre les résidents. Les discussions permettent d’entretenir du lien social, parfois de confronter des savoirs et des idées. A la fin, on en reste là dans la majeure partie des cas, et c’est plutôt convenable.
Il arrive aussi que ces rencontres et ces discussions ouvrent des brèches vers de nouveaux centres d’intérêt. Cela demande un peu de curiosité et de disponibilité. En d’autres termes, il faut prendre le temps de creuser des filons de savoir et reconnaître humblement que même si ça prendra du temps, on a à disposition une ou des personnes à même de nous donner quelques outils.
Je me souviens d’une discussion donc, que j’ai eu avec Olivia Lioret, chorégraphe et interprète, il y a de ça au moins deux ans ici à PAF. Comme à mon habitude, j’étais plutôt sur la réserve par timidité et parce que je reconnais mes lacunes dans les arts performatifs à tout niveau. Par émulation, lors d’un repas, je laisse traîner mon premier bouquin Un très long rire d’agonie sur la table et passé l’apéro j’entame l’exercice compliqué de la lecture en français à une table anglophone. Dans l’ensemble, ça passe. Ceux qui n’ont rien compris applaudissent poliment, les autres font mine de s’intéresser à mon écriture.
Après le repas, une promenade digestive est proposée par un groupe que je décide d’accompagner, dans ce groupe figurait la jeune et pétillante Olivia. Lors de notre entretien pédestre, elle m’invite vivement à lire le recueil de textes courts de Jean-Paul Dubois Parfois je ris tout seul. Aussi aujourd’hui encore je l’en remercie. Ce fut le début d’une très belle histoire d’amour littéraire. N’allez pas vous faire des idées pour le reste.
Dans ce recueil de textes courts, Jean-Paul Dubois écrit à chaque nouvelle page, histoire après histoire, des tranches de vie sous forme de monologue ou de discussion, dans lesquelles on arrive à être transporté en seulement quelques lignes. La forme contraignante du texte court ne laisse pas de place aux descriptions exhaustives à la Maupassant. On entre dans le sujet comme on en ressort, sans jamais vraiment savoir si l’auteur vient de nous envoyer un message à caractère personnel ou si l’on vient de capter une discussion entre deux amis à la terrasse d’un café alors qu’on est seul devant son demi.
Plusieurs modes de lecture s’offre au lecteur : on feuillette et on pioche une histoire au hasard ou alors on se cale au rythme de son choix pour enchaîner les textes les uns après les autres. Dans tous les cas, très rapidement on se rend compte que le narrateur n’est pas l’auteur. Ou plutôt, il n’y a pas qu’un narrateur, il y en a autant ou presque qu’il y a de textes. C’est là que réside pour moi le talent de l’auteur. A chaque histoire racontée on entre dans un nouvel écrin où se joue tantôt un drame, tantôt une farce. Résolument contemporain, les thèmes abordés sont ceux de la vie de tous les jours : les tracasseries du quotidien, les petites joies, la peur de la maladie, la disparition, la solitude, la folie – plutôt douce généralement.
Depuis la découverte de ce livre, je me suis plongé dans plusieurs autres ouvrages du prolifique M. Dubois. Parfois un peu moins accessible (Si ce livre pouvait me rapprocher de toi), je maintiens qu’il a cette aptitude à nous emmener là où il veut sans nous forcer la main avec des effets de style ou d’annonce qui tombent à l’eau. En particulier, j’ai beaucoup aimé Les poissons me regardent et Tous les matins je me lève. Il existe aussi une adaptation d’un roman qui parlera peut-être davantage aux cinéphiles Kennedy et moi.
Voilà, pour ma lecture du jour. Au soleil, avec un café et un broc de citronnade. On est pas bien là ?
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