Le titre de l’article est très ambitieux. Je me rends compte que le titre est très ambitieux mais je considère qu’il va bien avec les nouvelles du jour.

Depuis deux jours, c’est le retour de têtes connues, de résidents parfois presque aussi anciens que moi dans la boutique. C’est très agréable en conséquence, et avec le temps qu’il fait de se retrouver tous ensemble dans le jardin à toute heure de la journée et de la nuit.

L’ambiance est studieuse cependant. Chacun sait ce qu’il doit tâcher de réaliser dans la journée pour son compte personnel mais aussi pour le lieu. L’ensemble est assez homogène. Nous nous connaissons, et nous connaissons nos atouts et nos défauts.

Mon défaut principal c’est que je déteste laver les sols. Je suis plus poubelles, compost et vaisselle que laver par terre. Mais nous avons des gens que ça ne dérange pas. On ne peut pas décemment « aimer » laver les sols ; mais on peut accepter d’en faire sa part de travail.

En cuisine, le soir uniquement, le parti pris est à la mise en communs des ingrédients et des compétences. Heureusement que j’ai des ingrédients ! J’avoue manquer cruellement d’inspiration et mes plats sont plus équilibrés que bons. Non l’aubergine à la poêle avec une sauce piquante chinoise et des pâtes ce n’est pas bon. Mais c’est assez équilibré.

L’un des sujets de discussion que j’apprécie le plus en ce moment c’est la notion de travail et la notion de temps. Un résident allemand prépare une série d’ateliers sur le sujet à destination d’étudiant au conservatoire de musique de Vienne. Il m’a expliqué – entre autres choses – que les Aborigènes ont leur propre conception du temps, bien éloignée de la nôtre : il n’existe pas de futur pour les Aborigènes. Il y a le passé (la tradition), le présent (entretenir la tradition, maintenir le monde dans son état originel) et l’intimité (un temps dans le temps, le temps que l’on prend pour discuter avec quelqu’un par exemple).

La notion de temps telle que nous la connaissons permet d’être à l’heure. A l’heure du temps que nous pratiquons. Les aborigènes se donnent aussi des rendez-vous, mais ils n’hésiteront pas à se mettre en retard de plusieurs heures s’ils sentent qu’ils ne sont pas en condition pour échanger leur interlocuteur.

La notion de temps pour nous permet de conditionner l’humain – de le contraindre. Moi, je dirais le temps punit. Il rythme, impose, restreint, asservit l’individu. L’individu actif, celui qui travaille ; encore que celui qui ne travaille pas aussi, ça ne dure qu’un temps les vacances !

La notion de temps que nous utilisons dans notre quotidien est clairement liée à des valeurs économiques et politiques. L’économie est constituée d’une capacité de production, des valeurs de bien qui fluctuent suivant le besoin, la demande et la disponibilité des matières premières. Seulement ? Non, l’économie permet le maintien du système économique. Le système économique évolue suivant les décisions que prennent les individus qui régissent le système. Les individus qui régissent le système économique sont également ceux qui subissent le système auquel ils adhèrent. Tour à tour, chacun est producteur et consommateur dans le système. Un consommateur a une valeur quantifiable en « pouvoir d’achat » et un producteur est quantifié en équivalent temps plein. ETP.

La qualité et la valeur de sa production est liée intrinsèquement à sa capacité à travailler plus longtemps et pour un ETP inférieur que les autres. En somme, si on s’amuse à considérer le temps comme une variable plutôt qu’une constante (comme le font les Aborigènes) tout le système économique se casse la figure.

Personne ne veut que ça arrive. Les enjeux sont trop importants. Mais, le fait d’y réfléchir et de comprendre cette notion permet d’ouvrir de nouvelles portes pour démarrer, pourquoi pas, un roman d’anticipation sur le dérèglement du temps.

C’est intéressant, non ? Y’a quelqu’un ?! Hey ho !