Salut,
Lorsqu’on décide d’écrire de la poésie et d’aller toquer aux portes des éditeurs afin de se faire publier, il y a un passage quasiment obligé qui consiste à participer à des lectures en public. L’exercice demande un peu d’organisation et de bon sens, notamment dans le choix du format : horaire, lieu, durée, scénographie, etc. La sélection des textes est aussi importante puisque c’est elle qui va déterminer le rythme et l’ambiance générale de la performance.
Oui, je pense qu’il s’agit d’une performance puisqu’il y un contact direct entre l’audience et l’auteur. C’est le moment de montrer ce qu’on a dans les tripes. Pour quelqu’un comme moi qui suis plus enclin à écrire dans mon coin et à m’effacer dès que la situation devient gênante, le travail en amont a été particulièrement important. La préparation physique et mentale consiste depuis deux semaines à travailler la posture assise, le port de tête, le ton et le volume de la voix. Sur les deux premiers axes de travail, la séance quotidienne de méditation dans la tradition shamballa sous l’impulsion bienveillante de Stéphanie m’apporte de nombreuses informations sur mon état général. Comment mon corps se comporte-t-il à chaque instant, selon les circonstances, quelle posture adopter pour filtrer au mieux la tension et le stress, autant d’outils servant à s’affûter mentalement.
Le travail sur la voix est plus un rafraîchissement des techniques apprises pendant ces quelques années durant lesquelles je pratiquais le théâtre en amateur. Il y a d’ailleurs une nuance importante entre le théâtre et la lecture de poésie, en particulier dans ce cas où il s’agit de mes propres textes. Le facteur émotionnel est totalement différent. On ne récite pas un texte d’un auteur de la même manière qu’on présente ses propres états d’âme. Lire de la poésie c’est aussi risquer de tomber dans le piège de la surenchère dramatique (envolées lyriques, effets de voix, silences pesants…) et c’est tout ce que je ne veux pas ! Il n’y a rien de plus destructeur pour un texte qu’une mauvaise lecture. L’auditeur ne mérite pas un tel traitement non plus. Il vient pour s’imprégner d’un texte, pas pour constater l’étendue des talents du conteur. Ou plutôt, il appréciera que le conteur soit à même de véhiculer le texte en mettant son égo au placard, au moins le temps de la lecture.
Ainsi donc, vendredi 10 juillet, à la demande du collectif ECITE (contact improvisation) présent depuis une semaine à la résidence, j’ai accepté de présenter 15 textes tirés des trois recueils. La grande majorité de ces textes, je ne les avais jamais lu même en comité restreint. Cela est aussi lié au fait que j’ai souvent esquivé toute éventualité de représentation par timidité – et pudeur sans doute.
On ne peut pas dire que ça a eu un succès fou. Avec mes quatre auditeurs, on l’a plutôt fait façon réunion tupperware et j’ai vendu ma camelote. Qu’à cela ne tienne, et pour reprendre l’expression consacrée de Chantal sur Facebook après cet aléa : « il faut battre le fer tant qu’il est chaud ». C’est précisément ce que j’ai fait hier dimanche et devant un public nettement plus nombreux.
Après le départ de ECITE, le noyau de résidents s’est reformé autour de Jan, Marten, Valentina et j’étais agréablement surpris de voir débarquer ma camarade cantatrice (et interprète de mes textes à ses heures) Virginie et le journaliste parisien Loïc. Nous avions programmé la lecture à 19h00, après la performance de l’excellent batteur Yann Joussein (voir vidéo d’un de ses concerts en bas de l’article).
L’avantage de cette programmation selon moi c’est que le public est attiré par la musique. Une fois le groupe formé, il ne reste plus qu’à le maintenir en alerte et à l’entraîner dans des canapés pour le piéger dans la poésie. Et le tour est joué. Une petite quinzaine d’auditeurs cette fois étaient présents pour cette nouvelle tentative. Des écrivains, des chorégraphes, des interprètes, des musiciens… cela fait pas mal de professionnels du milieu quand on y pense.
Si l’introduction a été laborieuse, voire catastrophique (quelle idée d’essayer d’improviser une sorte de speech de présentation ? à ne pas retenter) la lecture quant à elle s’est plutôt bien déroulée. Un peu trop rapide au goût de certains, pas suffisamment de pauses entre les textes pour « encaisser » le contenu, j’ai très clairement joué le chronomètre en enchaînant comme une machine folle ; et là, c’est très clairement à cause de la peur du silence : quand tu ne sais pas si les auditeurs apprécient ou s’ennuient ou sont endormis. Un peu comme au théâtre pour le coup.
D’ailleurs l’audience était moins enthousiaste que lors de la lecture du vendredi. Pas d’éclat de rire, assez peu de mouvement. Pour autant j’ai reçu de bonnes critiques sur l’ensemble. A noter quand même que la sélection de textes est à revoir complètement : en jouant la chronologie des textes, j’ai mélangé des contenus émotionnellement assez rudes et des textes plus légers à connotation humoristique. Je comprends parfaitement que ça ne passe pas très bien. C’est un peu comme donner des gifles entre deux blagues carambar. C’est pas cool !
Je vous laisse avec un extrait de concert de Yann Joussein. Cela peut vous donner une petite idée de son matériel sonore. Même si ce qu’il a présenté hier était un work in progress, j’avoue que la qualité du jeu m’a marqué.
Allez, salut !
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